En 2019, la participation aux élections européennes avait progressé de 8 points par rapport à 2014 : plus d’un électeur sur deux s’était rendu aux urnes (50,6 %), le taux le plus élevé depuis 1994 (56,7 %). Cette dynamique avait notamment été portée par une mobilisation massive des jeunes Européens, motivés en particulier par l’enjeu climatique. Selon les études post-électorales menées par Verian (ex-Kantar Public), 42 % des moins de 25 ans avaient participé au suffrage, soit une augmentation de 14 points par rapport à 2014.

Qu’en sera-t-il au mois de juin prochain ? Les élections de 2019 ont-elles constitué un réel mouvement de fond chez les jeunes Européens ou, au contraire, un sursaut démocratique sans lendemain ?

Les prochaines élections s’inscriront dans un contexte inédit de crises contracycliques, qui engage plus que jamais l’Union européenne (UE). Dans ce moment singulier, l’intérêt de ces jeunes Européens pour le prochain scrutin pose plusieurs questions : celle de l’image et des perceptions qu’ils ont de l’UE, mais aussi de leurs attentes et des enjeux qu’ils identifient pour les années qui viennent.

L’attachement à un projet « commun »

Les jeunes Européens sont très loin d’exprimer une défiance totale envers l’Union européenne. Au contraire, les tendances recueillies dans les différents Eurobaromètres menés par Verian soulignent un attachement fort des jeunes au projet européen, dont ils louent l’apport considérable pour leur pays mais aussi pour eux-mêmes.

À ce titre, 70 % des Européens de 15-24 ans et 66 % des 25-34 ans estiment que le fait que leur pays fasse partie de l’UE est une bonne chose, contre 61 % de l’ensemble des Européens interrogés. À cet égard, les jeunes Français sont tout aussi convaincus. Des chiffres qui montrent ainsi que les jeunes Européens sont très largement persuadés de l’apport positif de l’UE pour leur pays.

Mais c’est aussi le bénéfice dans leur vie que les jeunes Européens reconnaissent, en termes de mobilité, d’expériences personnelles et collectives. En ce sens, pour les jeunes Européens, l’UE représente avant tout « la liberté de voyager, d’étudier et de travailler dans l’UE ». Parallèlement, ils restent tout aussi conscients de ce que les pays de l’UE partagent de fondamental et d’essentiel dans ce contexte bouleversé. Mais en dépit de cet attachement au projet européen, ils expriment des doutes concernant l’avenir de l’UE.

L’Union européenne à l’épreuve du discours de preuve

Le capital d’image de l’UE reste ainsi très fragile. En ce sens, 50 % des Européens de 15-24 ans et 49 % des 25-34 ans ont une image positive de l’UE. Si ce score est légèrement supérieur à la moyenne des Européens (45 %) il reste très nuancé. Notons ici que les jeunes Français sont, quant à eux, plus critiques : à peine 36 % des 15-24 ans et seulement 29 % des 25-34 ans ont une bonne image de l’UE.

Ces doutes exprimés par la jeunesse européenne et plus singulièrement les jeunes Français peuvent être associés à leurs exigences fortes vis-à-vis de l’action de l’UE. Pour preuve, en dépit des critiques, 6 jeunes européens sur 10 souhaitent que le Parlement européen joue un rôle plus important à l’avenir.

Pour appréhender les attentes des plus jeunes envers l’UE, il faut identifier les thèmes sur lesquels ils souhaitent voir le Parlement s’engager prioritairement. Le premier est la « lutte contre la pauvreté ». Le deuxième est « la lutte contre le changement climatique ». En 2019, en France, c’est l’enjeu qui avait le plus contribué à la mobilisation des jeunes. Enfin, l’enjeu de « santé publique » complète le podium des thèmes prioritaires selon les jeunes Européens.

Un désintérêt singulier des jeunes Français

Concernant l’intérêt porté par les jeunes Européens à ces élections, on assiste à une vraie singularité de la jeunesse française. Au niveau européen, si 50 % des 15-24 ans et 60 % des 25-34 ans se déclarent intéressés par les élections européennes, seuls 32 % des Français de 15-24 ans et 43 % des 25-34 ans le sont, soit une différence de presque 20 points.

Comment expliquer ce désintérêt ? Sans doute par la difficile compréhension du fonctionnement des institutions européennes pour les jeunes Français. Si, en majorité, ils disent le comprendre, ils sont moins nombreux que les jeunes Européens dans leur ensemble. Ainsi, 60 % des 15-24 ans et 56 % des 25-34 ans en France disent « bien comprendre » le fonctionnement de l’UE, contre respectivement 66 % et 69 % à l’échelle européenne.

Par ailleurs, cette indifférence des jeunes Français pour les élections se retrouve dans leur niveau d’intérêt concernant les politiques de l’UE. À ce titre, 40 % des 15-24 ans – contre 28 % à l’échelle européenne –, et surtout 33 % des 25-34 ans – contre 18 % à l’échelle européenne – déclarent ne jamais suivre ou presque l’actualité européenne.

Enfin, cette élection pâtit surtout d’un sentiment de vanité du vote. Pour un tiers des jeunes Français – comme des jeunes Européens dans leur ensemble – le fait que « leur vote ne changera rien » représente le premier motif d’abstention aux élections européennes, avant même le désintérêt pour la politique européenne ou la désinformation sur le sujet. Un constat particulièrement édifiant exprimé par cette jeunesse pour qui la première valeur représentant le mieux l’UE reste pourtant, justement, la démocratie.

Les résultats présentés sont issus des enquêtes des Eurobaromètres « Spécial » de septembre 2023 et « Standard » d’octobre 2023.