Imagine Claudine
de Paul Fournel
P.O.L – 210 p. – 18 €

Dans une ville jamais nommée, Paul Fournel fait tourner ses personnages d’une nouvelle à l’autre et le lecteur les retrouve comme de vieilles connaissances. Une certaine Claudine domine cette scène morcelée. Elle déteste tout et s’acharne avec une joie mauvaise. Le vin rouge « lui fait couler un peu de bonheur dans les veines ». Un jeune agent immobilier se mue en promoteur carnassier qui tire profit de la déliquescence du centre-ville. Une femme qui fait « profession de veuve » devient la messagère de l’au-delà. Un livreur à vélo, sous la plume de Paul Fournel, se dit : « Ce que j’aime dans mon métier, c’est que j’ai toujours le dos au chaud. Le dos au chaud et les jambes au frais. »

Un art très singulier de la construction en échos

Un tatoueur sombre, aux allures de rocker, recèle tous les secrets intimes de cette ville. Une institutrice épouse un graffeur sauvage pour l’empêcher de continuer à sévir. Elle ne dort plus à cause de la réforme de l’orthographe et tient un Cahier des destins pour suivre ses anciens élèves : « Les bons à rien étaient devenus bons à tout. » Une anorexique se nourrit de « tartines de tristesse ». Un « bon garçon » s’évertue à ruiner sa mère par une série de subtils chantages affectifs. Les revenants, invisibles, composent des lettres anonymes pour solder de vieilles rancœurs et jouir du spectacle de la zizanie parmi les vivants.

Le vélo n’est jamais absent de l’imaginaire de l’ancien régent du Collège de pataphysique, titulaire de la chaire de Vélocipédie théorique&pratique. Il pointe son guidon dans plusieurs nouvelles. L’ex-président de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) entremêle ses nouvelles avec un art très singulier de la construction en échos. Les chutes arrivent comme de douces surprises, teintées de la douce ironie de Paul Fournel. Un auteur qui arrive à placer des Chamonix orange ne peut être foncièrement mauvais.