Arnaud Lagardère a annoncé, mardi 30 avril, qu’il démissionnait de la présidence du groupe du même nom après sa mise en examen notamment pour « abus de biens sociaux ». La justice le soupçonne d’avoir puisé dans les comptes de ses sociétés pour financer son train de vie et ses dépenses personnelles.

En vingt ans à la tête du groupe fondé par son père, Arnaud Lagardère a accumulé les déboires. Il a mis fin à plusieurs activités historiques du groupe, raté la diversification dans le sport. Et il a fini par perdre le contrôle de l’entreprise désormais passée sous la coupe de Vincent Bolloré.

►2003 : Arnaud Lagardère hérite du groupe à la mort de son père

Lorsque Jean-Luc Lagardère, fondateur du groupe qui porte son nom, meurt brutalement, le 14 mars 2003, son fils unique Arnaud se retrouve propulsé à la tête de l’entreprise. À 42 ans, il prend les rênes d’un géant qui pèse plus de 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Le géant fait alors les deux tiers de son activité dans la presse. Il est également présent dans l’automobile, héritage de la marque Matra un temps dirigé par Jean-Luc Lagardère. Surtout, le groupe est un acteur majeur de l’aéronautique et de l’armement, car il détient une participation de 15 % dans EADS, la maison mère d’Airbus.

► 2006 : Le début de la fin dans l’aéronautique

Pour montrer son attachement au groupe, Arnaud Lagardère décide de renforcer sa participation dans l’entreprise. Il va alors s’endetter à hauteur de plusieurs centaines de millions pour racheter des actions de son groupe. Une situation qui va au fil des ans le fragiliser tant il a besoin que l’entreprise dégage des dividendes pour rembourser ses dettes

Dans le même temps, il engage la sortie de Lagardère du groupe EADS. Il vend une première moitié de ses actions en 2006, soit 7,5 % du géant aéronautique. Une opération qui intervient quelques mois avant l’annonce de gros retard dans le projet du gros-porteur A380 et lui vaudra des soupçons de délits d’initiés dont il sera in fine blanchi.

En 2012, Lagardère annonce sa sortie définitive d’EADS. La vente rapporte 2,28 milliards d’euros au groupe qui va en redistribuer une bonne partie à ses actionnaires, permettant à Arnaud Lagardère d’alléger le boulet de sa dette.

►2012 : le fiasco de la diversification dans le sport

Peu porté sur le secteur de l’aéronautique, Arnaud Lagardère est en revanche un passionné de sport. C’est sur ce terrain qu’il entend imposer sa griffe avec l’ambition de faire du groupe un acteur majeur dans le sport business : droits de retransmission ou de marketing des compétitions sportives, représentations des athlètes…

Las, la diversification sera un échec cuisant et coûteux. Dès 2012, le groupe qui a investi plus de 1,2 milliard d’euros dans ce secteur est contraint de déprécier l’activité dans ses comptes de… 900 millions. Au fil des ans, le fiasco se confirme et le groupe finira par jeter l’éponge.

►2021 : fin du statut protecteur de société en commandite

Alors que le Covid met à l’arrêt le secteur du voyage et frappe de plein fouet le « travel retail » et ses boutiques de duty free, le groupe Lagardère sort de la crise très fragilisé. Le voilà dans le collimateur de ceux qui lorgnent sur ses activités, notamment dans la presse et l’édition.

Bernard Arnault puis, surtout, Vincent Bolloré offrent leur aide nullement désintéressée. En échange de 200 millions d’euros, ils vont obtenir la fin du statut de société en commandite, qui permet à un Arnaud Lagardère de garder les pleins pouvoirs sur le groupe dont il ne détient pourtant que 7 % des actions. Ce sera chose faite le 30 juin 2021.

► 2022 : Absorbé par Bolloré

Une fois la commandite supprimée, le groupe devient alors officiellement une proie pour un éventuel acquéreur, d’autant que son périmètre s’est réduit. Le chiffre d’affaires 2021 dépasse à peine 5 milliards d’euros, presque trois fois moins que vingt ans plutôt, quand Arnaud Lagardère en avait pris les commandes. Mais le groupe garde des pépites, notamment dans l’édition où Hachette domine et dans les médias avec Le JDD, Europe 1 ou Paris Match.

Vincent Bolloré ne perd pas de temps. Patron de Vivendi qui détient déjà 27 % de Lagardère, il lance une OPA. Celle-ci aboutit et en juin 2022, Vivendi annonce détenir près de 60 % du capital de Lagardère, actant sa prise de contrôle.

En novembre 2023, une fois le feu vert de Bruxelles obtenu, Vincent Bolloré prend officiellement les commandes. Presque pour la forme, Arnaud Lagardère reste président du conseil d’administration du groupe. Une fonction qu’il a finalement quittée après sa mise en examen pour « abus de biens sociaux ».