L’agression de Samara, le 2 avril près de son collège de Montpellier, est-elle liée à un communautarisme religieux ? Face à cette question ultrasensible, l’administration de l’éducation nationale reste prudente mais elle estime qu’il ne s’agit pas de la principale piste à privilégier.

« Selon les informations en sa possession, la mission considère que le sujet communautaire n’est pas absent mais n’a pas joué un rôle prépondérant dans l’agression de Samara », indique un rapport rendu public, mardi 30 avril, par le ministère de l’éducation. Ce rapport pointe davantage le « rôle délétère » qu’ont pu jouer les réseaux sociaux dans cette affaire qui, depuis un mois, a donné lieu à de très nombreuses réactions souvent ensuite démenties ou nuancées par les investigations.

Les faits se sont produits le 2 avril à proximité du collège Arthur-Rimbaud, un établissement accueillant 831 élèves et faisant partie d’un réseau d’éducation prioritaire (REP+). Âgée de 13 ans, Samara a été agressée non loin du collège par plusieurs élèves. Elle a été gravement blessée et est restée dans le coma pendant plus d’une journée. Pour l’instant, cinq mineurs ont été mis en examen pour « tentative d’homicide » : quatre garçons et une fille.

« Aucun manquement fautif de la part du personnel de l’établissement »

Juste après l’agression, la mère de Samara a dénoncé la passivité du collège qui, selon elle, n’aurait pas protégé sa fille. À la suite de ses déclarations, la ministre Nicole Belloubet a demandé une enquête à l’Inspection générale de l’éducation qui, en un mois, a procédé à 51 auditions. En raison de son « état de fragilité psychologique », Samara n’a pas pu être entendue. À l’issue de son travail, la mission fait le constat de « signaux d’alerte qui, agrégés, font l’évidence d’un mal-être croissant » de Samara.

« À l’issue de ses investigations, et concernant la prise en charge de Samara le 2 avril, la mission n’a relevé aucun manquement fautif de la part du personnel de l’établissement et ne peut établir objectivement une situation de harcèlement scolaire à l’encontre de Samara », ajoute le rapport.

Ces conclusions sont mal accueillies par la mère de Samara. « Elle est choquée par ce corporatisme et cette volonté de l’éducation nationale de ne surtout pas vouloir faire de vagues, indique son avocat, Me Marc Gallix. Alors que je peux vous assurer que Samara a bel et bien été harcelée et que plusieurs personnes, au sein du collège, avaient conscience qu’elle risquait d’être agressée ce jour-là en sortant du collège. » Deux jours après l’agression, la mère de l’adolescente a aussi avancé l’hypothèse d’un motif religieux, la « prise en grippe » de sa fille par une autre collégienne « voilée », qui s’en prenait à Samara parce qu’elle se maquillait, était « coquette » et s’habillait « à l’européenne ».

Récupération politique

Dans l’émission « Touche pas à mon poste » sur C8, cette mère avait aussi dénoncé « l’instrumentalisation de la souffrance de (sa) fille par l’extrême droite ». Très médiatisée, l’affaire Samara a, il est vrai, donné lieu à une avalanche de déclarations évoquant la dimension religieuse de l’affaire. « Il est temps de déclarer la guerre à ce totalitarisme qui s’en prend à nos enfants », a réagi sur X (ex-Twitter) Marine Le Pen, tandis que le député socialiste Jérôme Guedj a annoncé le 4 avril son intention de saisir le procureur de Montpellier en raison des « menaces religieuses » ayant visé Samara.

Le même jour, Emmanuel Macron a, lui, évoqué le travail « en cours » de la justice. « Donc je serai à ce stade très prudent pour ne pas qualifier les choses », a ajouté le chef de l’État. Avait-il été informé, à ce moment précis, des premières constatations des enquêteurs ? En tout cas, dès le lendemain, le 5 avril, le procureur de Montpellier a publié un communiqué dans lequel n’était pas mentionné de motif religieux. «L’agression s’inscrit dans le contexte d’un groupe d’adolescents qui avaient pour habitude de s’invectiver et de mettre en ligne leurs photographies respectives et celles de tiers sur des groupes de discussion créés sur des messageries instantanées », soulignait alors le parquet.

La piste d’une humiliation sur les réseaux sociaux

Dans son rapport, l’Inspection générale de l’éducation précise que les atteintes à la laïcité sont « rares et gérées au cas par cas » dans le collège fréquenté par Samara. Selon la mission, cette dernière rencontrait « d’importants problèmes relationnels » avec d’autres élèves qui trouvaient « essentiellement leur source sur les réseaux sociaux », notamment via les comptes « Fisha ». Selon le rapport, ces comptes sont créés « pour divulguer des informations personnelles, des photos et vidéos intimes d’une personne pour l’humilier ».

C’est bien cette piste des comptes Fisha qui doit être explorée dans cette affaire, selon Me Mickaël Poilpré, l’avocat de l’adolescente présentée comme la grande rivale de Samara et qui a été mise en examen. « On est dans une histoire d’ados qui s’invectivent sur les réseaux. Et je le répète depuis le début : il n’y a pas de dimension religieuse dans cette affaire. Ma jeune cliente n’a pas compris pourquoi tout est parti aussi vite dans cette direction. »

Pour sa part, Me Gallix soutient pleinement la mère de Samara mais reste très réservé sur la piste communautariste. « Peut-être qu’il y a un problème religieux sous-jacent dans cette affaire, mais je me garderais, en l’état et au vu des éléments du dossier, d’affirmer que cela est à l’origine des violences qui ont failli tuer Samara. »