Les syndicats s’y attendaient : mercredi 1er mai, les rangs des cortèges syndicaux étaient forcément plus clairsemés que l’année dernière, quand la mobilisation contre la réforme des retraites avait rassemblé plus d’un million de manifestants dans toute la France. « Il faut comparer ce qui est comparable, tempère la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. L’an dernier, c’était exceptionnel ! Mais les premières remontées nous indiquent déjà une plus forte mobilisation qu’en 2022. » Selon la CGT, les 120 défilés de la matinée auraient mobilisé plus de 100 000 personnes, et le cortège parisien de l’après-midi 50 000.

Si, en tête du cortège parisien, l’unité syndicale est visible, CFDT, CGT, Unsa et Solidaires avançant côte à côte (1), dans les rangs, les mots d’ordre sont plus divers, de l’opposition au gouvernement à la paix au Proche-Orient, en passant par des sujets plus sociaux, comme les 32 heures.

« Rhétorique d’extrême droite »

« Nous, nous manifestons pour l’Europe. Pour que les travailleurs et les travailleuses comprennent qu’elle est une protection pour eux », explique Nathalie Hocdé, dans le cortège d’une CFDT inquiète du score à venir d’une extrême droite « dont la première cible est toujours la démocratie sociale et les libertés syndicales », selon Béatrice Lestic, secrétaire nationale de la CFDT.

Dans la manifestation, aux accents festifs et joyeux, la réforme de l’assurance-chômage est aussi dans les têtes, même si Nathalie Hocdé reconnaît la difficulté de mobiliser sur le sujet, « du moins tant qu’il ne touche pas directement les salariés ». La syndicaliste s’inquiète néanmoins des « discours ambiants de boucs émissaires » : « Chômeurs, bénéficiaires du RSA, fonctionnaires sont, à tour de rôle, rendus responsables des déficits. »

« Cette rhétorique des “chômeurs profiteurs” est typique de l’extrême droite et je m’inquiète d’entendre le gouvernement la reprendre sans vergogne, pointe Béatrice Lestic. Est-ce un calcul politique pour, à un mois des élections européennes, reprendre des voix à la droite ? Dans ce cas, ce n’est pas très malin. »

« La réforme de trop »

« L’idée que cette réforme serait populaire est plus que fragile », met toutefois en garde Sophie Binet, rappelant que, selon les sondages, seule une petite majorité des Français serait favorable à la réforme. « D’ailleurs, si le gouvernement pensait la faire passer facilement, il n’agirait pas en catimini par décret », insiste-t-elle. Cette nouvelle réforme de l’assurance-chômage, « la cinquième en sept ans », rappelle-t-elle, apparaît d’ailleurs comme « la réforme de trop » pour elle. « Un tiers seulement des privés d’emploi sont indemnisés, d’un montant qui, en moyenne, frise le seuil de pauvreté : on est loin des “chômeurs qui profitent du système” », développe-t-elle, regrettant que « la richesse du travail (soit) de plus en plus accaparée par les patrons et les rentiers ».

« Cela fait sept ans que le gouvernement s’aligne sur ceux qui ont beaucoup, en vidant les caisses pour donner des milliards aux entreprises, dénonce le secrétaire général de l’Unsa Laurent Escure. La réforme de l’assurance-chômage participe de ce deux poids-deux mesures en défaveur des plus faibles. C’est pour cela que, ce 1er-Mai, nous voulons remettre le social au cœur de l’actualité. »

(1) Pour le 1er-Mai, Force ouvrière se rassemble habituellement au mur des Fédérés, CFE-CGC et CFTC ne manifestent pas ce jour-là.