Les crimes dont se serait rendu coupable François Bozizé sont gravissimes. La Cour pénale spéciale (CPS), cour de justice parrainée par l’ONU et constituée de juges centrafricains et étrangers pour enquêter, poursuivre et juger les crimes les plus graves commis dans ce pays depuis 2003, a émis un mandat d’arrêt international contre l’ancien président. Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2003 avant d’en être chassé à son tour par un coup d’État en 2013, ce dernier est soupçonné par la CPS d’avoir commis des crimes contre l’humanité.

Dans un communiqué publié le 30 avril 2024, la CPS estime qu’il y a des « indices graves et concordants » qui sont de « nature à engager sa responsabilité » dans les crimes commis par sa garde présidentielle entre février 2009 et mars 2013, dans « une prison civile » et un « centre d’instruction militaire » à Bossembélé (dans le centre du pays), entre février 2009 et mars 2013. Ces centres de détention, lit-on dans le mandat émis par la CPS, faisaient partie de ceux mis en place par François Bozizé dans le cadre de sa « politique de répression » contre « toute personne considérée comme opposant ». À Bossembélé, notent les juges, la garde présidentielle de François Bozizé aurait commis « au moins une trentaine de cas d’exécutions extrajudiciaires ». Ils ont aussi relevé « au moins une soixantaine de cas d’emprisonnement de civils en dehors de tout cadre judiciaire et dans des conditions de nature à créer des souffrances physiques et morales aiguës ». Les juges ont enfin documenté au moins deux disparitions et des cas de « rapports sexuels imposés sur les femmes détenues à Bossembelé ».

Les ONG se félicitent de cette décision

Puisque l’ancien président centrafricain est actuellement en exil en Guinée-Bissau depuis 2023, la CPS en appelle à la coopération internationale pour qu’il soit extradé à Bangui. Sur le réseau X, la FIDH « salue ce grand pas dans la lutte contre l’impunité des plus hauts responsables des crimes internationaux commis sur le territoire centrafricain ».

Ce mandat international « constitue une étape très encourageante dans la quête de justice pour les victimes de nombreux crimes commis en République centrafricaine », a aussi réagi Amnesty International dans un communiqué. « Cependant, la CPS ne pourra remplir son rôle d’enquête et de poursuite des responsables des nombreuses atrocités (…) que si (…) tous les États coopèrent pleinement », ajoute l’ONG, qui exhorte « les autorités de la Guinée-Bissau » à arrêter et à remettre « sans délai » François Bozizé « aux autorités centrafricaines en vue de sa comparution devant la CPS ».

Déjà condamné en 2020

L’inquiétude exprimée par Amnesty International n’est pas vaine. En effet, François Bozizé a déjà été jugé et condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité, en septembre 2022, pour son rôle dans la tentative de coup d’État du mois de décembre 2020. À cette date, il avait pris la tête d’une nouvelle alliance rebelle, la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) pour renverser le président Faustin Archange Touadéra.

Mais l’envoi de centaines de paramilitaires de la société privée Wagner par Moscou, d’une part, et de militaires rwandais par Kigali, d’autre part, avait sauvé le pouvoir et infligé une lourde défaite au CPC. Exilé au Tchad puis en Guinée-Bissau, François Bozizé a, pour l’heure, toujours échappé à la justice de son pays.