S’il reste plusieurs points de désaccord, les négociateurs se sont quittés sur une promesse : maintenir le dialogue. À Ottawa (Canada), les représentants de 175 pays se sont rassemblés du 23 au 30 avril pour la 4e session de négociations intergouvernementales (INC-4) sur le traité mondial contre la pollution plastique. Cette matière est présente partout sur la planète, du sommet des montagnes aux profondeurs océaniques, dans le sang humain comme dans le lait maternel. La réunion canadienne ne devait pas aboutir directement à un traité final mais plutôt permettre de décrypter ce sur quoi chaque bloc est prêt à discuter. La cinquième et dernière session se tiendra à Busan en Corée du Sud, en novembre prochain.

D’ici là, on peut déjà se réjouir de plusieurs avancées, selon Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques de la fondation Tara Océan. « Le Rwanda et le Pérou ont proposé de réduire de 40 % la production de plastique d’ici à 2040, c’est la première fois qu’un objectif chiffré est avancé », explique-t-il. Le spécialiste estime que cet objectif est facilement réalisable entre « l’évitement de produits inutiles et le remplacement du plastique par d’autres matériaux ».

La baisse de la production de plastique, principal point de blocage

Parmi les autres points positifs, les participants se sont mis d’accord pour discuter plus profondément de la question des financements et des substances toxiques à bannir dans le plastique dans le cadre de futurs travaux inter-session qui devraient se tenir en août prochain. « Sur la question des financements, on est rentré dans le vif du sujet, plusieurs pays en développement demandent la création d’un fonds pour les accompagner à réduire le plastique mais rien n’est encore acté », précise Henri Bourgeois-Costa.

Le principal point de blocage concerne la réduction de la production de plastique. La coalition dite « de la haute ambition », qui rassemble une soixantaine de pays, surtout occidentaux et africains — dont la France — souhaite que l’objectif de réduction du plastique à la source soit inscrit dans le futur traité. En face, les « Like minded countries » (les « pays qui pensent pareil »), un petit groupe de pays piloté par la Russie et l’Iran qui comprend notamment l’Inde, le Brésil et plusieurs États pétroliers, ne veut pas entendre parler d’une réduction du plastique à la source. Ce groupe préconise à la place de privilégier le recyclage en rappelant que seuls 9 % des déchets plastiques sont recyclés dans le monde.

Une pollution plastique toujours plus importante

Un discours loin de convaincre les associations environnementales. « Nous sommes face à une urgence, alerte Henri Bourgeois-Costa, la production du plastique est responsable de 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce chiffre devrait grimper à 15 % d’ici à 2050. » Une position partagée par Manon Richert, responsable communication de l’association Zero Waste France : « la production de plastique contribue significativement au réchauffement climatique parce qu’elle provient quasi exclusivement des énergies fossiles ».

En outre, « la pollution plastique à l’échelle planétaire ne cesse de s’aggraver », déplore la militante associative. La production annuelle a plus que doublé en 20 ans pour atteindre 460 millions de tonnes et elle pourrait tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Le message de ce petit groupe de pays a été relayé sur place par 196 lobbyistes de l’industrie pétrochimique, d’après le décompte de l’association Center for International Environmental Law (CIEL). « Soit 37 % de lobbyistes en plus que lors de la dernière session à Nairobi au Kenya », précise Helionor De Anzizu, avocate au sein de l’association.

Des lobbyistes toujours plus nombreux

Présente à Ottawa, elle a constaté à quel point « les lobbyistes étaient offensifs avec les scientifiques pendant les négociations, ils ont affiché leur joie de voir la partie sur la baisse de la production exclue des prochains travaux inter-session ». La juriste a également vu beaucoup de publicités sur les bienfaits du plastique dans Ottawa. Dans une déclaration commune publiée quelques heures après la fin des négociations à Ottawa, les ministres de l’environnement des pays du G7 réunis en Italie se sont engagés à « réduire la production mondiale de polymères primaires afin de mettre fin à la pollution plastique en 2040 ». Une déclaration qui envoie un message fort aux pays qui comptent exploiter toujours plus de plastique, veulent croire les associations environnementales.